Pourquoi apprendre l'Ido ?

sur les raisons d'étudier la langue internationale Ido

Alors que l'Esperanto existe depuis près d'un siècle et demi, il est toujours relativement peu pratiqué, et les nombreuses autres langues auxiliaires restent méconnues du public. Quel peut être aujourd'hui l'intérêt d'apprendre une langue auxiliaire artificielle, et l'Ido en particulier ?

La nécessité d'une langue internationale neutre se fait fortement resentir actuellement sur la scène politique. Le problème linguistique est ancien en Europe, où des nations de langues différentes sont amenées à se cotoyer quotidiennement. Déjà au XIX ème siècle, le Volapük puis l'Esperanto étaient apparus en Europe Centrale en réponse à un besoin de la population locale, dû à une grande fluctuation des frontières. Cette situation n'a pas changé, et elle se reproduit en d'autres endroits du monde. Le français, puis l'anglais ont servi de langues de médiation internationale, mais ce ne sont pas des langues neutres. Toute langue naturelle choisie comme langue internationale est nécessairement la langue naturelle d'une minorité mondiale, qui la maîtrise mieux que les autres. Cela créé systématiquement un rapport de puissance dans les conversations entre un natif de la langue et une personne qui l'a apprise ultérieurement. Par ailleurs, ces langues naturelles sont toujours complexes pour certains peuples, et présentent de nombreuses exceptions syntaxiques difficiles à maîtriser.
Une langue neutre et simple est donc un outil nécessaire à la politique internationale actuelle, et l'unification européenne nécessite cet effort.

Quelles sont les langues candidates à l'universalité, et quelles sont leurs avantages et leurs inconvénients ? Parmis les nombreuses langues auxiliaires existant à l'heure actuelle, trois peuvent prétendre à un caractère universel à courte échéance (et je ne crois choquer personne en disant cela...). Ces trois langues sont l'Esperanto, l'Interlingua et l'Ido, dans l'ordre décroissant du nombre de personnes les parlant. Pourquoi choisir l'une plutôt que l'autre ?

L'Esperanto tout d'abord est la seule langue artificielle véritablement connue du grand public. C'est un point positif a priori, sauf si l'on considère que le grand public se désintéresse des langues artificielles, et que la faute en revient peut-être à l'Esperanto qui bloque le développement des autres langues auxiliaires. En effet au cours du siècle dernier, l'Esperanto a montré qu'il n'était pas accepté du grand public, puisqu'après un engouement général pour cette langue, elle ne compte aujourd'hui que un ou deux millions d'adeptes, ce qui est très peu pour la seule langue connue du public. Les raisons pour lesquelles l'Esperanto ne pourra pas être une langue auxiliaire officielle sont simples. La plus évidente consiste dans le fait que les esperantistes ont adopté un "Fundamento" qui fixe définitivement les règles de base de leur langue. Or s'il est vrai qu'une langue n'est pas viable sans fondements, il est également évident qu'aucune langue ne peut survivre sans évoluer. Parmi les évolutions nécessaires que les esperantistes refusent, l'alphabet est un point crucial, puisque l'esperanto s'écrit dans un alphabet qui n'existe dans aucune autre langue ! De même, l'esperanto utilise un accusatif sans conditions, ce qui alourdit beaucoup la langue, et la rend peu naturelle à l'oreille... et ce ne sont que quelques remarques parmi un nombre important.

L'Interlingua IALA a été développée par l'ancienne Académie du Volapük. Plus évoluée que l'Esperanto, son idéal est également différent. Cette langue est en effet construite sur la base des langues latines, de façon à ce que toute personne puisse la comprendre facilement sans la parler. Là encore, cet aspect revêt des désavantages non négligeables, notamment en ce qui concerne les relations de puissances dans une conversation. En effet, si une personne s'adresse à une autre en Interlingua, et en admettant que celle-ci comprenne ce qui lui a été dit, elle ne pourra pas répondre. On se retrouve donc avec le même problème qu'avec les langues naturelles, puisqu'un grand nombre de personnes ne prendront pas le temps d'apprendre cette langue s'ils peuvent la comprendre sans faire d'effort (si tant est que cela soit vrai...).

L'Ido enfin est une langue dérivée de l'Esperanto. Elle en a gardé les principaux avantages (grammaire simple, vocabulaire international...), en supprimant ou réduisant les défauts majeurs de cette langue, notamment en ce qui concerne l'alphabet (l'Ido s'écrit en alphabet latin, que tous les ordinateurs possèdent), l'accusatif (qui n'est pas obligatoire, et même rare en Ido), le pluriel (en -i plutôt qu'en -j) et beaucoup d'autres incohérences liées entre autres aux radicaux choisis et à la quantité disponible d'affixes pour dériver les mots.
La raison majeure qui a éloigné l'Ido du public est le rejet des esperantistes, qui ont alors adopté le "Fundamento" pour affirmer leur volonté de sécession. Pourtant l'Ido est une langue très évoluée, plus puissante et plus pratique que l'Esperanto, et qui peut être pratiquée facilement par une grande majorité de peuples, à commencer par les peuples européens. En utilisant le système développé par Zamenhof pour l'Esperanto, et en l'améliorant, l'Ido est devenu une langue d'une très grande précision, puisque chaque radical peut être décliné en un grand nombre de mots ayant chacun un sens et une connotation particuliére. Il permet de s'exprimer simplement, avec des connaissances en vocabulaire et en grammaire peu importantes. De plus, ses modifications grammaticales par rapport à l'Esperanto en font une langue d'une sonorité agréable, à mi-chemin entre l'espagnol et l'italien.
Le mouvement idiste dont on avait prédit l'extinction imminente est bien vivant, et a entamé une phase de renaissance.

Pour conclure, il importe aujourd'hui d'être unis pour l'établissement d'une langue internationale officielle, et que, quelle que soit cette langue, elle soit soutenue par tous. Je pense personellement que l'Ido est la langue la mieux placée pour prétendre à l'universalité, et ce malgré ses défauts (mais toute langue a ses défauts irréductibles).
Pour toutes ces raisons, apprendre l'Ido n'est pas une perte de temps ou un loisir futile, mais bien un acte civique dans la construction de l'avenir des peuples.

Raphaël Pinson, 2003